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La direction et la gestion pour la s?reté
Entretien avec le directeur des opérations du Groupe de recherches et de consultations nucléaires (NRG), aux Pays-Bas
Laura Gil
La s?reté est primordiale dans toute installation nucléaire, y compris les réacteurs de recherche. Il est indispensable de faire comprendre au personnel l’importance de la s?reté et des mesures nécessaires au maintien d’une culture de s?reté. Une culture de s?reté fragile peut engendrer des mesures de s?reté insuffisantes, ce qui peut in fine nuire au bien-être de la population et à l’environnement. Mais comment assurer la s?reté ? Quels sont les principaux problèmes de s?reté rencontrés dans les réacteurs de recherche, et pourquoi la direction et la gestion sont-elles essentielles pour y répondre ? Pour le savoir, nous avons interrogé Jelmer Offerein, directeur des opérations et l’un des cinq dirigeants du NRG. Il possède des dizaines d’années d’expérience dans la gestion et la direction pour la s?reté.
Le NRG est une entreprise de recherche qui emploie 650 personnes et exploite le réacteur à haut flux de la Commission européenne, réacteur de recherche polyvalent situé aux Pays-Bas. Le NRG produit des isotopes, mène des travaux de recherche technologique nucléaire, donne des conseils aux entreprises du secteur nucléaire en matière de s?reté et de fiabilité des installations nucléaires, et offre des services dans le domaine de la protection radiologique.
“ Si la s?reté n’est jamais abordée, les employés ne savent pas ce qu’on attend d’eux. Un dirigeant doit écouter son personnel, conna?tre ses préoccupations et le motiver.
Q : Pouvez-vous nous dire quelques mots sur la stratégie du NRG et son approche en matière de s?reté ?
R : La stratégie du NRG est assez simple : nous souhaitons devenir le premier producteur mondial d’isotopes médicaux. C’est en 2008 que nous avons décidé d’entreprendre cette activité et, 11 ans plus tard, nous sommes l’un des plus grands producteurs de molybdène 99, mais pas encore le premier. Cela prend du temps.
Le secteur des isotopes médicaux se développe. Les quantités produites augmentent chaque année, ce qui est bien s?r positif, mais il faut pouvoir adapter son organisation. Il faut plus d’opérateurs, de matériel, de conteneurs, d’outils, de formations et de personnel qualifié, sans pour autant compromettre la s?reté et la fiabilité.
Pour assurer la s?reté, il faut une stratégie claire. Nous avons remarqué que, par le passé, nous faisions beaucoup de choses en même temps. Si l’on fait cinq ou six choses à la fois, la qualité s’en ressent et, par conséquent, le niveau de s?reté peut diminuer aussi. Il est plus judicieux d’en faire moins, mais mieux.? Pour y arriver, il est nécessaire de mettre en place une stratégie claire et ciblée.
Q : Quel r?le jouent les dirigeants et les responsables de la gestion dans la s?reté des réacteurs de recherche ?
R : Je pense qu’il est très important de prendre en considération les attentes des personnes. Nous avons eu par le passé des responsables qui ne parlaient jamais de la s?reté. Or, si le sujet n’est jamais abordé, les employés ne savent pas ce qu’on attend d’eux. Un dirigeant doit écouter son personnel, conna?tre ses préoccupations et le motiver.
Un dirigeant doit aussi montrer l’exemple, en particulier en matière de s?reté.? Je vais vous raconter une anecdote pour illustrer mon propos. Elle concerne la manière dont nous nous garons sur le site de notre installation de réacteur de recherche. Pour des raisons de s?reté, les voitures doivent être garées en marche arrière sur un emplacement. Un matin, alors que je venais de commencer à travailler comme responsable en gestion, j’ai garé ma voiture en marche avant. Un collègue m’a dit : ? Jelmer, tu t’es garé dans le mauvais sens ! ? J’ai alors pris conscience que si je garais ma voiture dans le mauvais sens, tout le monde aurait le droit de le faire. ?a m’a vraiment ouvert les yeux et je me suis rendu compte à quel point il était important de montrer l’exemple. Lorsque la s?reté est en jeu, on ne peut pas se permettre de ? se garer ? dans le mauvais sens. Depuis, je n’ai plus jamais répété cette erreur.
Q : En ce qui concerne la culture de s?reté, la direction et la gestion sont deux concepts distincts. En quoi consiste cette distinction et pourquoi est-elle importante pour la s?reté ?
R : Celui qui assure la gestion supervise un groupe de personnes, à qui il dit quoi faire. Le dirigeant, quant à lui, fait partie du groupe et le guide. Je dirais que le responsable de la gestion élabore les plans annuels, assure leur suivi et veille à ce qu’ils soient mis en ?uvre. Le dirigeant, lui, donne au groupe son inspiration, lui explique pourquoi ces plans sont nécessaires et travaille avec lui à leur exécution. Enfin, un bon responsable de la gestion est aussi un bon dirigeant, et inversement.
Q : En quoi l’AIEA a-t-elle contribué à la s?reté de votre réacteur de recherche ?
R : Le NRG collabore étroitement avec l’AIEA depuis longtemps. L’AIEA nous a aidés à créer une plateforme de partage d’expériences et de connaissances et à élaborer des guides de s?reté en consultation étroite avec des entreprises du secteur nucléaire. Elle a également mené au NRG des missions d’évaluation intégrée de la s?reté des réacteurs de recherche (INSARR) en mettant principalement l’accent sur les aspects techniques de la s?reté. Comme nous souhaitions faire le point sur notre culture de s?reté et recevoir un avis sur les domaines à améliorer, nous avons demandé à l’AIEA d’effectuer une mission d’évaluation indépendante de la culture de s?reté (ISCA).
En 2017, une équipe ISCA dirigée par un expert est venue évaluer notre culture de s?reté. Elle a examiné des documents, interrogé des employés, étudié notre système intégré de gestion ainsi que notre programme de formation et de qualification, et organisé des groupes de discussion pour observer la dynamique et les interactions entre les employés. Le rapport de l’ISCA montrait que nous étions incontestablement sur la bonne voie, mais qu’il fallait apporter des améliorations dans certains domaines.
Par exemple, nous travaillons dans un environnement assez cloisonné. Nos installations sont séparées par de grandes cl?tures de sécurité, ce qui ne favorise pas le contact entre les employés. En ce qui concerne la sécurité, ces cl?tures sont parfaites, mais pour ce qui est de l’interaction et de la communication avec les collègues, ce n’est pas l’idéal. En outre, nous nous sommes efforcés de mieux définir nos r?les et nos responsabilités et de mieux intégrer ces r?les dans notre système de gestion.
Nous avons travaillé sur ces domaines à améliorer. L’équipe est revenue 18 mois plus tard pour voir si nous avions suivi ses recommandations et a constaté que nous avions amélioré notre culture de s?reté. Bien s?r, le travail ne s’arrête pas là. Le monde évolue rapidement et nous devons sans cesse nous adapter et nous améliorer.