
Si vous souhaitez en savoir plus sur les activités de l’AIEA, abonnez-vous à notre lettre électronique mensuelle pour recevoir les principales informations, multimédias et autres.
La gestion de l’eau en Afrique et en Asie de l’Ouest dynamisée grace aux techniques nucléaires
Joelle Matta

Des échantillons d’eau douce souterraine prélevés dans l’aquifère du nord du Kowe?t sont recueillis en vue d’analyses isotopiques par l’Institut kowe?tien de recherche scientifique (KISR). (Photo?: KISR)
Dans le nord aride du Kowe?t, des scientifiques font descendre un tube d’échantillonnage dans un puits sec pour atteindre la nappe phréatique peu profonde qui se trouve au fond. L’eau, cachée sous terre depuis des milliers d’années, est analysée dans le cadre d’un projet de recherche de l’AIEA sur les ressources en eau douce naturelle limitées du pays. à l’aide de techniques d’analyse isotopique, l’équipe cherche à savoir comment les niveaux de dioxyde de carbone affectent les eaux de pluie et les eaux souterraines et à mieux comprendre les variations de la qualité de l’eau.
Les eaux souterraines sont une ressource rare dans de nombreuses régions d’Afrique et d’Asie de l’Ouest. La diminution des précipitations, la hausse des températures et l’augmentation de la demande accroissent la pression sur les aquifères de la région. Avec l’aide de l’AIEA, les pays recourent aux techniques d’hydrologie isotopique –?techniques nucléaires qui permettent de retracer la source, l’age et les mouvements de l’eau?– pour gérer les réserves d’eaux souterraines de manière plus durable.
L’hydrologie isotopique ??nous donne une empreinte de la molécule d’eau??, explique Jodie?Miller, cheffe de la Section de l’hydrologie isotopique à l’AIEA. ??Cette empreinte nous permet de déterminer à quelle période l’eau présente dans le sol est tombée sous forme de précipitations.??
Des technologies nucléaires qui permettent d’évaluer la contamination des eaux souterraines
?
Dans le cadre d’un récent projet de recherche coordonnée de l’AIEA, le Kowe?t ainsi que l’Algérie, le Maroc et la Tunisie ont utilisé des isotopes de gaz rares tels que l’hélium?4 et le krypton?81 pour dater des eaux fossiles profondes –?d’anciennes eaux souterraines restées sous terre pendant des milliers d’années avec peu, voire pas, de recharge courante?– et évaluer leur éventuelle contamination par des activités pétrolières menées à proximité. Ces travaux de recherche ont permis de déterminer si elles étaient salubres aux fins d’une utilisation durable, étape essentielle dans la planification des ressources en eau sur le long terme.
??Des études menées à l’aide de gaz rares et de radiocarbone ont permis de découvrir au Kowe?t des eaux souterraines vieilles d’environ 36?000?ans??, indique Chidambaram?Sabarathinam, chercheur à l’Institut kowe?tien de recherche scientifique (KISR). ??Ces informations nous aident à repérer les périodes de recharge intense et facilitent une planification à long terme en vue d’une gestion durable de ces ressources en eau non renouvelables.??
Dans le système aquifère du nord-ouest du Sahara, d’une superficie de plus d’un million de kilomètres carrés que se partagent l’Algérie, la Libye et la Tunisie, il est apparu, grace à l’utilisation de gaz rares comme le krypton?81, qu’une grande partie des eaux souterraines avait plus de 150?000?ans. Les pays coordonnent leurs actions pour protéger l’une des plus importantes ressources en eau communes de la région et faire en sorte que l’eau soit utilisée judicieusement et préservée pour les générations à venir.
Au Kowe?t, où la quasi-totalité de l’eau potable est produite par dessalement, les eaux souterraines naturelles constituent une réserve vitale, notamment en cas d’urgence ou d’interruption de l’approvisionnement. Elles ont fait l’objet de tests visant à y rechercher, au moyen de gaz rares et d’isotopes stables, une contamination par des émissions fugitives de gaz provenant des gisements de pétrole du pays. Depuis l’an?2000, l’AIEA favorise le renforcement des capacités en hydrologie isotopique et en gestion des ressources en eau grace à son programme de coopération technique, notamment en aidant le KISR à créer un laboratoire qui procédera à des analyses sur les isotopes et mènera des études sur les eaux souterraines.
Gestion de ressources en eau limitées
En Tunisie, les eaux souterraines irriguent une grande partie des terres agricoles. Leurs réserves sont beaucoup sollicitées en raison de la diminution des précipitations et de l’augmentation de la demande. La Tunisie fait face en gérant l’alimentation des aquifères –?ce qui consiste à stocker des eaux de surface excédentaires dans le sous-sol en vue de leur utilisation durant les périodes sèches. En collaboration avec des scientifiques tunisiens, l’AIEA détermine, au moyen d’isotopes, la durée pendant laquelle l’eau de la recharge reste sous terre et jusqu’à quelle distance elle s’éloigne du point de réalimentation.
??Les isotopes de l’environnement jouent un r?le essentiel dans la gestion des ressources en eaux souterraines en Tunisie??, explique Kamel?Zouari, professeur et chef de laboratoire à l’école nationale d’ingénieurs de Sfax (Tunisie). ??Les techniques isotopiques sont particulièrement efficaces pour évaluer des systèmes aquifères multicouches complexes, surtout dans les zones très arides.??
Renforcement des capacités locales
Djibouti, pauvrement doté en eaux de surface et touché par de fréquentes sécheresses, compte absolument sur l’intégration des eaux souterraines dans les stratégies de gestion de l’eau. En 2023, avec l’aide du programme de coopération technique de l’AIEA, il a ouvert son premier laboratoire national d’hydrologie isotopique, qui a modernisé l’analyse des échantillons d’eau, améliorant la capacité du pays à protéger les réserves d’eau et à gérer les sécheresses. La réussite de cet établissement est source d’inspiration pour d’autres initiatives de renforcement des capacités dans la région.
Surveillance de la qualité de l’eau
L’hydrologie isotopique aide également les pays à évaluer la qualité de leurs eaux souterraines. Au Maroc et en Tunisie, on fait appel aux techniques isotopiques pour retracer les sources des eaux souterraines et leurs voies de contamination par les nitrates présents, en particulier, dans les eaux de ruissellement agricole et les eaux usées urbaines. En Jordanie, on s’en sert pour déterminer la radioactivité naturelle dans les eaux souterraines profondes et étayer les décisions concernant la salubrité de l’eau potable.
De sérieux manques à combler
Alors que la pénurie d’eau s’aggrave en Afrique et en Asie de l’Ouest, il devient de plus en plus urgent de se fonder sur la science pour gérer l’eau. Avec l’aide de l’AIEA, les pays de la région mettent sur pied des programmes de formation et des laboratoires et accumulent les outils et les compétences nécessaires pour prendre des décisions éclairées quant à la manière d’exploiter leurs ressources en eau et au moment où il convient de le faire. Ces activités sont intégrées dans les projets régionaux de coopération technique de l’AIEA visant à soutenir une utilisation durable de l’eau dans les régions arides.
??Les techniques nucléaires aident les collectivités à gérer leurs ressources en eau de manière plus durable, goutte après goutte, ce qui peut en retour contribuer à stimuler le développement économique??, déclare Hua?Liu, Directeur général adjoint chargé de la coopération technique à l’AIEA.