
Si vous souhaitez en savoir plus sur les activités de l’AIEA, abonnez-vous à notre lettre électronique mensuelle pour recevoir les principales informations, multimédias et autres.
Décoder l’eau
Des outils perfectionnés pour comprendre les ressources en eau
Thomas Perrouy

Selon une analyse récente de l’AIEA, de nombreux lacs dans le monde ne peuvent compenser l’évaporation et risquent de dispara?tre avec le temps. (Photo?: Y.?Vystavna/AIEA)
Fonte des glaciers, régimes de précipitations ou taux d’évaporation?: les spécialistes en hydrologie isotopique de l’AIEA recueillent, analysent et partagent des données pour mieux comprendre la provenance, l’historique et les mouvements de l’eau. De nouveaux outils et de nouvelles méthodes permettent aux chercheurs d’analyser les données sur l’eau avec plus de précision que jamais, fournissant des informations cruciales pour la gestion efficace des ressources en eau, la modélisation climatique et l’élaboration de politiques environnementales.
??Les données sur l’eau permettent de mener une politique intelligente et d’effectuer des investissements en connaissance de cause??, affirme Celeste?Saulo, Secrétaire générale de l’Organisation météorologique mondiale. ??Sans données, nous tatonnons. Les systèmes d’alerte rapide pour les inondations et les sécheresses, ainsi que la conception d’infrastructures hydrauliques telles que les réservoirs, les systèmes d’irrigation et les systèmes de drainage nécessitent des données. L’hydrologie isotopique ajoute une perspective unique en remontant aux sources d’eau et aux trajectoires d’écoulement pour nous aider à gérer durablement les ressources hydriques partagées.??
Intelligence artificielle
à mesure que les réseaux mondiaux de données sur l’eau s’étendent, l’hydrologie isotopique se fait rapidement une place dans le domaine des mégadonnées. L’intelligence artificielle (IA) et les modèles d’apprentissage automatique ouvrent de nouvelles perspectives de recherche sur l’eau en améliorant les prévisions et comblant les lacunes des données.
Il ressort d’une étude de l’AIEA, dans laquelle l’IA a été utilisée pour analyser les données isotopiques de 1?257?lacs de 91?pays, qu’environ 20?% de leur afflux d’eau dispara?t par évaporation et que, dans environ 10?% des cas, leurs pertes d’évaporation sont extrêmes, dépassant 40?% de l’afflux total. Cela signifie que de nombreux lacs ne peuvent pas compenser l’évaporation et risquent de dispara?tre avec le temps. ??Nous avons utilisé l’intelligence artificielle pour déterminer les principaux facteurs d’évaporation??, explique Yuliya?Vystavna, spécialiste en hydrologie isotopique à l’AIEA et première autrice de cette étude. ??Divers facteurs influent sur l’évaporation selon que le climat est tropical, aride, tempéré, continental ou froid.?? L’étude a utilisé des modèles d’intelligence artificielle pour déterminer quels lacs risquaient le plus de dispara?tre.
Une autre étude de l’AIEA a utilisé des modèles d’apprentissage automatique pour déterminer les facteurs qui influent sur la dynamique de l’eau et estimer la part d’eau jeune (moins de trois?mois) dans 45?bassins fluviaux dans le monde. La part d’eau jeune indique comment l’eau est stockée et libérée dans l’environnement, mettant en évidence les schémas de rétention et d’écoulement. Ces données aident à mieux comprendre comment les rivières réagissent aux changements du climat et du sol, permettant aux populations de mieux se préparer aux inondations et aux sécheresses et de gérer plus efficacement leurs ressources en eau. ??En comprenant ces dynamiques, nous pouvons mieux nous adapter aux défis posés par les changements climatiques et l’évolution des modes d’utilisation des sols, et faire en sorte que les cours d’eau continuent à fournir leurs services essentiels aux écosystèmes et aux sociétés humaines??, indique Tzanka?Kokalova-Wheldon, directrice de la Division des sciences physiques et chimiques de l’AIEA.
Les experts estiment que l’utilisation de l’IA et de l’apprentissage automatique afin d’analyser les données sur l’eau pourrait améliorer considérablement les processus décisionnels en matière de gestion durable de l’eau. Pour appuyer cette démarche, l’AIEA, l’Organisation des Nations?Unies pour l’éducation, la science et la culture et le Centre international de physique théorique ont récemment mis au point un cadre d’intégration de l’IA aux données hydrologiques et isotopiques.

Niveaux actuels de tritium dans les précipitations.?L’activité du tritium est exprimée en unités de tritium (UT). (Carte?: AIEA)
Cartographie à haute résolution du tritium
Le tritium, isotope radioactif naturel de l’hydrogène présent dans l’eau et ayant une période d’environ 12,3?ans, est un élément précieux pour déceler les eaux souterraines dont la recharge est récente et évaluer leur vulnérabilité à la pollution. En cartographiant les endroits où cet isotope de l’hydrogène appara?t dans la pluie et dans la neige, les chercheurs peuvent se faire une idée des mouvements récents de l’eau et de ses sources. En utilisant des données des dix dernières années, l’AIEA a dressé des cartes de la répartition du tritium dans les précipitations pour optimiser l’échantillonnage, repérer les lacunes des données atmosphériques et appuyer la recherche sur la vulnérabilité des aquifères.
Les scientifiques utilisent les cartes pour comparer les niveaux de tritium dans les précipitations et dans les eaux souterraines afin de comprendre à quelle vitesse les précipitations atteignent les aquifères et interagissent avec eux. Si le niveau de tritium des eaux souterraines correspond étroitement à celui des précipitations, cela peut être le signe d’une recharge rapide, ce qui signifie que l’aquifère est bien alimenté mais aussi sensible à la pollution, car les polluants peuvent facilement suivre le même chemin. Si les eaux souterraines contiennent beaucoup moins de tritium que les précipitations locales, cela peut indiquer que l’eau a été stockée en toute sécurité sous terre et protégée de la contamination pendant des décennies, voire plus longtemps.
Spectrométrie laser de l’oxyde nitreux
La spectrométrie laser de l’oxyde nitreux est une nouvelle technique qui fournit des mesures très précises des isotopes liés au cycle de l’azote (mouvement de l’azote entre l’air, le sol, l’eau et les organismes), pouvant être utilisées pour retrouver l’origine des sources de pollution. Comme les différentes sources d’azote (combustion de combustibles fossiles, émissions agricoles ou processus naturels) se distinguent par leur signature isotopique, les scientifiques peuvent déterminer si les sources de contamination sont d’origine humaine ou naturelle. En Inde, par exemple, où l’utilisation d’engrais a triplé en 30?ans, les scientifiques de l’AIEA ont utilisé cette technique pour étudier l’impact de l’agriculture sur les systèmes hydrologiques. Ils ont constaté que la pollution par les nitrates atteignait son apogée pendant la mousson, lorsque de fortes pluies entra?nent les engrais dans les rivières et les lacs, dégradant la qualité de l’eau. En suivant le parcours des isotopes, les scientifiques peuvent déterminer d’où vient la pollution, ce qui peut encourager les agriculteurs et les gouvernements à adopter des pratiques plus propres pour améliorer la qualité de l’eau et de l’air.
Alors que les capacités technologiques et les méthodes de collecte de données continuent de progresser, l’AIEA étudie activement de nouveaux outils et de nouveaux moyens d’analyse des données sur l’eau afin de contribuer aux stratégies de gestion durable de l’eau. ??En combinant une technologie de pointe avec des données sur l’eau recueillies dans le monde entier pendant des décennies, nous ne nous contentons pas d’étudier l’eau, nous donnons aux pays les moyens de prendre des décisions éclairées concernant leur ressource la plus précieuse??, dit Stefan?Terzer-Wassmuth, expert en données géospatiales à l’AIEA.